Les services publics en France (ou le syndrome Thatcher)

La France de l’Après-guerre s’est reconstruite autour d’un Etat fournissant de nombreux services publics à ses citoyens. Cette croissance de l’offre – bâtie sur le programme du Conseil national de la Résistance – a pu se réaliser dans un contexte économique favorable. Le « modèle français » se fissure depuis près de trente ans du fait des difficultés économiques et financières du pays. L’Etat concentrait jusqu’en 1982 les seules prérogatives d’organisation des services publics. Avec la décentralisation sont apparues de nouvelles autorités compétentes en matière de création et d’organisation de services dédiés à la collectivité publique : les régions, les départements et les communes peuvent gérer leurs propres services publics.

Les régions sont ainsi les propriétaires des TER, c’est-à-dire des trains, ce sont elles qui décident des horaires, cadences, etc. en partenariat avec la SNCF qui fournit le personnel navigant et entretien, et gère les voies. Les départements eux peuvent constituer des régies pour assurer un service de transport routier en commun départemental. Les communes peuvent elles créer une structure pour se doter de transports en commun urbains comme un tramway ou des bus. Voila quelques exemples en matière de transport. Les différentes collectivités territoriales ont d’autres champs d’action comme la culture par exemple.

Parler des collectivités territoriales est important actuellement car l’Etat se désengage de plus en plus de ses missions de service public nationales pour les transférer à ces collectivités. Le principe d’un transfert de compétences n’est pas à blâmer en soi si le but de cette opération est une meilleure gestion du service au profit du citoyen. Ces nouveaux acteurs font partie du nouveau visage des services publics français.

Toutefois l’Etat se doit de garder des moyens d’intervention sur certains domaines clés de la société. En premier chef se trouve l’Education et la recherche. Ce service public qui est lié à l’histoire même de la République, doit être sanctuarisé et protégé des logiques mercantilistes et capitalistes. Le savoir ne se marchande pas ! On remarque les tentations d’aller jusqu’au bout du processus de privatisation des universités en Grande-Bretagne où une véritable opposition estudiantine s’est constituée. Nous ne devons pas en arriver jusque là en France. Pour autant, l’université peut constituer des partenariats avec l’entreprise sur certains programmes de formation pour obtenir des financements supplémentaires et une meilleure professionnalisation des étudiants sur le marché du travail. Nous pensons que l’autonomisation des établissements, du primaires jusqu’au supérieur, est une voie d’avenir comme le mentionne la récente convention nationale sur l’égalité réelle du PS. Mais en aucun cas l’entreprise ne doit remplacer l’Etat dans son engagement financier et les socialistes sont et resteront  très attachés à ce principe de l’indépendance et de l’esprit critique de l’école !!

Les transports. Le réseau ferroviaire national est en état « alarmant » dans bien des cas et nécessiterait la mise à disposition de moyens conséquents. Réseau Ferré de France (RFF), le propriétaire des voies, est déficitaire et augmente ses péages (droit que les entreprises ferroviaires doivent payer pour faire rouler un train sur un axe et un horaire précis) aux entreprises ferroviaires empruntant son réseau. La SNCF répercute le coût en augmentant ses tarifs. La France doit être couverte équitablement par un réseau ferroviaire de qualité et cela représente un investissement. En 1982, F. Mitterrand lance le programme TGV, doit-on le regretter actuellement ? Assurément non !

L’énergie. EDF est encore détenue en majorité par l’Etat. Son interventionnisme en matière d’énergie fait qu’aujourd’hui notre électricité est l’une des moins chères d’Europe. GDF a été privatisé sous la présidence de M. Sarkozy, résultat : l’Etat est minoritaire dans le capital de GDF et ne peut s’opposer à l’augmentation frénétique du prix du gaz. Si ces deux entreprises ont dû muter face aux exigences de la Commission européenne, il n’en reste pas moins que ce secteur énergétique est stratégique. Les petits foyers qui se chauffent au gaz pourront-ils supporter encore longtemps ces augmentations ? Aujourd’hui nous voyons des groupes comme Total qui profite de la rente nucléaire d’EDF. Le nucléaire et l’énergie plus largement, dans un souci de sécurité maximale et de justice sociale doivent rester aux mains d’un Etat régulateur et stratège car l’énergie recouvre des enjeux beaucoup trop importants pour être laissée aux mains des actionnaires du CAC 40.

La santé. Le dernier gouvernement Fillon est l’un des seuls gouvernements de la Ve République à avoir supprimé le Ministère de la Santé ! Un secrétariat d’Etat semble suffire. Cela montre le peu d’attention qu’occupent les questions de santé pour ce gouvernement. Pourtant elles sont essentielles dans une France vieillissante : l’accès aux soins quel que soit son âge, son lieu de résidence. Il est temps de revenir sur la politique de santé psychiatrique menée par la droite conservatrice, de réfléchir au mieux à l’articulation entre médecine décidée au niveau national, régional, local ; de lutter contre les déserts médicaux ; redonner un sens au médecin de famille ; favoriser la prévention et développer d’autres formes de médecine… les questions de santé ne manquent pas et méritent toute l’attention des pouvoirs publics.

Les télécommunications. Naguère les PTT ont couvert le territoire d’un réseau téléphonique terrestre. Aujourd’hui les PTT n’existent plus et deux sociétés de droit privé en sont les héritières : France Télécom et La Poste. Les groupes téléphoniques privés reçoivent des financements publics pour couvrir le territoire de nouvelles installations. Le contribuable contribue, à travers ses impôts, à financer des groupes privés. Pourquoi ne pas imaginer qu’une entreprise publique couvre la France d’équipements de télécommunications comme la fibre optique partout où cela est nécessaire ?

Il est vrai que les services publics doivent s’adapter aux nouvelles demandes de la société, le service public des années 60 ne peut plus exister. Il revient aux socialistes de trouver un nouveau modèle de services publics efficaces et rationnels répondant au mieux aux attentes de la population, pour que le vivre-ensemble à la française continue de faire sens au sein d’une Europe en crise et en recomposition.

Lou Bachelier-Degras

Manuel Valls, invité du Cercle de l’IEP

Venez assister ce jeudi 26 avril à la conférence de Manuel Valls organisée par le cercle de l’IEP, à 17h30, amphi C de Sciences Po Grenoble. Le député-maire PS d’Evry viendra présenter son livre « Pouvoir » et débattre avec les étudiants et le public.

Venez nombreux !!

Section Sc Po Grenoble – Universités

L’Ecole ou le paradoxe de la massification et de la démocratisation

Après cinquante années de généralisation de l’accès aux études secondaires, toutes les craintes sociétales se cristallisent aujourd’hui autour de l’école. Cette crise apparaît à la fois paradoxale et préoccupante.

Paradoxale cette crise l’est, puisqu’en effet on a ouvert les portes du lycée non plus à 12 ou 15% mais à 70 ou 80% d’une classe d’âge dans les années 1980-1990. Auparavant, accéder au lycée général, c’était déjà faire partie de l’élite républicaine. L’école a donc changé, elle est marquée par une massification et une démocratisation de son accès. Nous devons nous en réjouir ! Toutefois, cette école, au sens large, est toujours la même dans l’imaginaire de nos hommes politiques et des enseignants. En France, l’école a toujours fonctionné de manière hiérarchique selon l’adage commun « à chacun son niveau » : aux classes populaires, le collège, aux bourgeois, le lycée. Aujourd’hui, ce serait plutôt aux classes populaires, l’université et aux bourgeois, les grandes écoles. Toute réflexion portant sur l’école dans ses perspectives futures, ne doit en aucun cas occulter le sort des « perdants » de la compétition scolaire. La sociologie, de Bourdieu ou de Boudon, s’intéresse à la question des inégalités scolaires en termes de répartition inégale de capitaux culturels, économiques, sociaux… Or, cette sociologie ne prend pas en compte les acteurs et s’intéresse seulement aux statistiques. Cette insuffisante prise en compte des élèves révèle peut-être aussi la difficulté de l’institution scolaire à se réformer. Les jeunes ne sont pas simplement des séries statistiques qui réussissent ou qui échouent, ils ont également une vie au sein de l’école.

De fait, la massification a profondément transformé l’école en sélectionnant plus qu’elle ne démocratise. Jadis, sous les lois Ferry de 1881-1882, la vocation première assignée à l’école républicaine était l’instruction publique. Désormais, cet objectif n’est plus le but principal recherché et la méritocratie est devenue la clé de compréhension de l’école, en même temps qu’il y a eu une massification de l’enseignement. L’école est devenue clivante entre ceux qui réussissent et ceux qui « ne sont pas doués pour l’école » et « vont rater leur vie ».

Néanmoins, tout n’est pas à rejeter dans l’école telle que nous la connaissons. Le collège unique mis en place en 1975 par la loi Haby, est une bonne chose dans la mesure où il permet d’amener tous les élèves au même niveau en troisième. Ce qui est injustifié, c’est l’idée que les inégalités sociales détermineraient les inégalités scolaires. Il est indéniable que tous les élèves ne sont pas égaux devant « l’intelligence » – j’entends bien-dans le cadre scolaire – et que toute réforme de l’école ne doit pas en même temps défavoriser les élèves les plus brillants par un nivellement du niveau vers le bas. Il faut donc diversifier les filières au sein de l’école, c’est-à-dire offrir une formation à chaque individu dans le domaine où il excelle. Cela s’appelle l’émancipation des individus : c’est donner la liberté de choix aux jeunes. Ici, je pense bien évidemment à la formation professionnelle, insuffisamment développée et trop dévalorisée dans les mentalités et les faits. On peut prendre en compte les filières artistiques également. L’axe fort d’une future réforme de l’école doit être la revalorisation des filières technologiques et professionnelles afin que les enfants qui échouent en filière générale puissent se dire que leur vie ne s’arrête pas là. Trop nombreux sont les jeunes issus de milieux défavorisés, qui quittent le système scolaire sans diplôme et avant l’âge légal de 16 ans. L’école doit se fixer des objectifs éducatifs en se posant les bonnes questions et non plus en se souciant seulement de la sélection et du niveau de ceux qui réussissent déjà. Que peut faire l’école pour ceux qui ont déjà décroché ? Comment rendre l’école moins clivante entre ceux qui sont promis à un bel avenir et les autres, sans qualification et qui seront moins armés sur le marché du travail ?

Enfin, j’aborderai en dernier point les contradictions de l’enseignement supérieur français. Jacobinisme oblige, l’enseignement supérieur a été dessiné comme un jardin à la française. La France est l’un des seuls pays à opérer une dichotomie entre grandes écoles et universités.  En effet, la question qui se repose ici est celle du paradoxe entre massification et démocratisation. Le baccalauréat est actuellement le passeport unique pour accéder à l’enseignement supérieur en France ce qui a permis à des générations nouvelles d’accéder à l’Université pour la première fois. Réjouissons-nous de nouveau ! Néanmoins, les résultats ne sont pas au rendez-vous, le rapport Hetzel sur l’Université indique que 50% des étudiants ratent leur première année, ce que d’aucuns appellent « l’impasse de l’université ». Dans ce panorama, les grandes écoles apparaissent comme un « sanctuaire confiné », dans lequel la démocratisation n’est pas le souci principal. Erreur : le système des grandes écoles est en crise, apparaît comme à bout de souffle. Le recrutement s’opère exclusivement autour des classes moyennes supérieures voire très aisées pour les « fameuses parisiennes ». Réapparaît encore l’idée de classification, de hiérarchisation, qui fonde l’école française au sens large. Cette logique interne a conduit l’enseignement supérieur à des échecs. De fait, aux universités, la recherche et aux filières sélectives (IUT et grandes écoles), la professionnalisation des cursus. Cette séparation entre les universités et les filières sélectives a été contreproductive dans la mesure où les grandes écoles françaises n’ont pas la taille pour faire face à la concurrence internationale des savoirs et que les universités sont insuffisamment dotées de moyens. Ainsi, les passerelles entre les deux doivent être augmentées et – pourquoi pas ! – intégrer des instituts d’excellence au sein des universités, tout en mutualisant les moyens. On pourrait imaginer des locaux communs aux universités et aux grandes écoles avec des départements de sciences politiques, de droit, de sciences sociales…Dans cette perspective, il s’agit de lier la recherche à la professionnalisation des parcours qui sont complémentaires l’une de l’autre. Il s’agit aussi de mettre fin à des logiques d ‘ « élitisme malthusien » des grandes écoles.

La clé des enjeux de demain se situe au niveau de la réforme de l’école. Mieux les citoyens seront formés, mieux la France pourra faire face aux défis de la mondialisation. Pour reprendre François Dubet, auteur de Faits d’école : « il faut déscolariser la société, c’est-à-dire sortir de l’idée que l’école doit fabriquer une bonne société. L’école doit fabriquer une bonne école. »

Nabil Janah

Dis papa, c’est où Haïti ?

Images terribles que celles du tremblement de terre survenu à Haïti. Dix jours depuis lesquelles, les images de désolation, d’horreur, de chaos, de corps sans vie passent en boucle sur l’écran de nos télévisions. Dix jours depuis lesquelles, nos compatriotes se mobilisent pour aider un Etat qui n’existe plus et des habitants qui sont livrés à eux-mêmes, désœuvrés.

La catastrophe qu’a connu Haïti est terrible et celle-ci est à l’origine d’un énorme élan de solidarité un peu partout dans le monde : au Royaume-Uni, en Belgique, aux Etats-Unis et en France, des téléthons pour l’ancienne Hispanola s’organisent et les stars hollywoodiennes se montrent particulièrement généreuses à coup de millions de dollars. Nos stars à nous, quant à elles, font des chansons pour Haïti et font appel à notre générosité.

Haïti a souffert. Trop souffert. Et il est primordial d’aider ce pays à se relever. Mais qu’en sera-t-il une fois que la catastrophe ne fera plus la une des journaux ?

Car il convient de rappeler que le tremblement de terre du 12 janvier dernier est finalement la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’un pays rongé comme de la moelle par la corruption et la violence. Depuis des lustres, Haïti se trouve dans le dénuement le plus total en l’absence d’un véritable Etat. La pauvreté est la norme depuis un paquet d’années, une pauvreté et une instabilité chronique avec lesquelles on s’est plus ou moins accommodé durant des décennies, certains pays comme les Etats-Unis ayant parfois soutenu les gouvernements et régime en place.

Je ne remets absolument pas en cause les dons en faveur d’Haïti, ni la sincérité de millions de nos compatriotes qui ont été bouleversés par tant d’images d’horreur. Mais je le répète : qu’en sera-t-il une fois que les projecteurs cesseront d’être braqués sur Haïti et les Haïtiens ? Ce n’est pas la première fois et malheureusement ni la dernière fois qu’Haïti est frappée par des catastrophes naturelles ou bien par son instabilité chronique, mais il aura fallu un tremblement de terre pour qu’on sache enfin où se situe ce pays et découvrir qu’il s’agit d’un des Etats les plus pauvres de la planète !

Car c’est cela où tout se joue désormais : il ne s’agit plus de jouer les bons samaritains et faire preuve de générosité, il faut désormais assurer à Haïti les moyens de sortir une fois pour toutes de ce cycle infernal qui dure depuis deux siècles. La future conférence de Montréal des « amis » d’Haïti ne doit pas être le énième théâtre de promesses et de déclaration de tout genre mais doit résolument ouvrir la voie à une restauration d’un Etat de droit capable d’assurer un avenir viable et fiable pour les Haïtiens. Espérons-le ! Mais lorsqu’on voit les querelles diplomatiques et d’influence entre Français et Américains (sous couvert d’aide et de générosité humanitaire) on se dit que les Haïtiens sont loin d’être enfin épargnés !

S.L

La réforme du lycée ou l’économie de l’Histoire

Il y a quelques semaines, le gouvernement a annoncé vouloir supprimer l’enseignement d’Histoire en Terminale Scientifique. Cela a fait grand bruit pendant 2 jours, de grandes têtes pensantes, de gauche comme de droite (Finkielkraut par exemple) ce sont élevées contre ce projet. Puis, le sujet à été balayé par l’actualité et plus rien, un silence assourdissant. Pourtant, l’éducation devrait être un sujet majeur, puisqu’elle est le plus grand gage d’avenir. C’est pourquoi j’ai décidé de déterrer le sujet.

J’ai fait un bac S et je suis à Sciences Po après être passé par une prépa scientifique pendant quelques semaines puis une fac d’Histoire; et je ne regrette aucun des choix de mon cursus. Si j’ai appris une chose, c’est que rares sont ceux qui savent ce qu’ils veulent faire à 15ans.

Dans cette optique, quel est l’intérêt de spécialiser les filières générales ? Si on veut rendre « plus facile » la série scientifique pour ceux qui n’aiment pas les humanités, il suffit de développer les filières STI et STL qui existent déjà en ouvrant des classes (mais pour ça il faut mettre un peu d’argent sur la table…)

Si l’objectif est de se battre contre l’élitisme de la série S, il faudrait plutôt renforcer les autres séries. Et de toute manière, ne nous voilons pas la face, ce n’est pas le Bac S qui engendre un système élitiste, c’est le système des prépas/écoles, problématique bien plus vaste puisque cela fait 200 ans qu’on forme nos élites ainsi…

Ensuite, vient l’argument qui consiste à expliquer que cette réforme va in fine renforcer l’Histoire en S, puisque les élèves scientifiques auront tout le temps à consacrer à la révision de cette matière lors de leur première. J’ignorais que depuis que les L avaient les mathématiques en 1e avec maths option en terminale ils étaient devenus de vrais monstres en calcul…

Caricature réalisée par Martin Vidberg

Enfin, dernier argument avancé : on va augmenter le niveau scientifique des S. Alors pour commencer le principal problème en S est que le programme de Maths de 1e est trop chargé, ce qui fait qu’on prend du retard en physique et en maths en terminale pour rattraper… Donc dans cette optique, la logique qu’il y a à alourdir le programme de 1e pour alléger celui de Terminale m’échappe un peu. Et de toute façon il ne faut que quelques semaines en prépa scientifique pour « boucher » les lacunes du lycée, j’en ai fait l’expérience.

Par contre, on va réellement dégrader le niveau en Histoire de scientifiques en leur retirant des enseignements. Pourtant il s’agit là d’une matière à mon sens essentielle dans la formation d’un esprit critique, qui est peut-être la plus grande qualité du citoyen. C’est d’autant plus affligeant quand on parle des citoyens qui, de par la rigidité de notre société, seront presque automatiquement appelés à former une grande part de l’élite de notre pays.

Alors quelles solutions nous, socialistes, pouvons-nous imaginer afin résoudre les « problèmes » que diagnostique ce gouvernement, et qu après tout ne sont pas que des mythes. En fait, le diagnostic de départ était même assez juste. Par cette réforme, on voudrait (considérons que l’Elys…le gouvernement est de bonne foi) résoudre deux problèmes : le trop fort prestige de la filière S par rapport aux autres, et le manque paradoxal de vocations dans le domaine scientifique.

A mon humble avis, nos difficultés tiennent à un système qui présente des rigidités inutiles. Plutôt que d’avoir des « bacs généraux » créons un seul bac général avec un petit tronc commun (culture scientifique, maths simples, français à faible dose, Histoire, Anglais mais ce n’est qu’un exemple) et un large choix « d’options obligatoires » (un peu sur le modèle des Cours Spécialisés à Sciences Po si vous voulez) type : maths renforcé, physique, chimie, biologie, LV2, LV3, latin, droit, littérature, économie etc… Avec, si nécessaire, mise en place d’un avis conforme du conseil de classe quant au choix des options choisies par l’élève. Voilà un exemple de ce à quoi pourrait ressembler une vraie réforme du lycée et non une mesure d’économie de bout de chandelle vaguement déguisée.

Maxime Gonzalez

Copenhague ou un nouvel avenir pour le socialisme ?

« Le monde change. Faut-il alors donner un nouvel avenir au socialisme ? » , se demande Géraud Guilbert du pôle écologique du PS.

Nous sommes entrés dans un monde différent, où deux questions majeures sont posées : celle des limites à l’extension du marché, à l’empreinte écologique, à l’impact du monde virtuel, aux déséquilibres démographiques; celle du rapport entre l’individu et le collectif, dans la relation entre le Nord et le Sud, celle entre générations, ou l’impératif de mixité sociale dans le logement, l’éducation, la vision de la ville de demain avec les éco-quartiers. De toutes ces questions, l’écologie est la plus perturbante, car elle oblige à questionner le progrès.
Dans ce monde incertain et changeant, la social-démocratie est à la fois dépassée et pathétique. Elle est devenue une pensée molle, assimilée à des pratiques politiques peu efficaces, ou de compromission. On lui reproche pêle-mêle le décalage entre le discours et les actes, une vraie absence de vision et par-dessus tout la volonté de s’accrocher aux privilèges du pouvoir. Ses nombreuses défaites électorales – dont la dernière en date est celle du SPD en Allemagne – ont montré la vanité d’une stratégie d’occupation du pouvoir sans refondation idéologique. Celle-ci n’aboutirait qu’à sa disparition dans les urnes.

Le socialisme a pris dans l’histoire plusieurs formes. Il a incarné dans les années 1980 une pensée politique, des pratiques de pouvoir et l’espoir d’un monde meilleur. Il faut aujourd’hui non pas changer le socialisme, qui reste un socle majeur de représentation d’un monde qui ne se confond pas avec la libre loi de l’argent, mais changer de socialisme. Le radicalisme réformiste se doit de préserver cette vision du monde du socialisme tout en prenant en compte les défis que posent, d’une part la crise financière et plus généralement celle du capitalisme productiviste et l’épuisement des ressources fossiles de notre planète, d’autre part. Ces nouvelles problématiques imposent à notre famille politique d’inventer des réponses qui rompent radicalement avec les schémas de pensée du siècle dernier, pour qu’elles soient plus adéquates et à la fois fidèles à nos valeurs socialistes.
Ses valeurs restent plus qu’actuelles, mais elles ne peuvent plus être formulées à l’identique. Les menaces sur la planète et, à terme, sur l’espèce humaine elle-même obligent à considérer la nature non plus comme un élément extérieur à domestiquer, mais dont les équilibres représentent une composante essentielle de l’émancipation. La solidarité doit désormais prendre en compte l’objectif incontournable du respect des limites de la planète, et la prochaine conférence de Copenhague sera de ce point de vue d’une importance cruciale. La démocratie doit notamment intégrer une vraie perspective générationnelle par une meilleure prise en compte des intérêts de la jeunesse et des générations futures. Le progrès ne peut se concevoir qu’en posant le problème de la surconsommation d’une petite minorité au détriment du plus grand monde, et du gaspillage plutôt que des investissements réellement utiles et écologiquement compatibles. Il ne s’agit pas de prôner la décroissance, concept encore peu théorisé, mais de permettre de « consommer mieux », certains évoquant le terme d’ « alter-consumérisme ». Cet alter-consumérisme n’est permis que par la refonte d’un nouveau modèle de production plus démocratique, plus écologique et socialement plus juste bien sûr.

Les socialistes ont beaucoup souffert ces dernières années du décalage entre des valeurs régulièrement réaffirmées, mais de manière relativement abstraite, et d’un catalogue de propositions souvent utiles mais qui ne peuvent constituer des lignes de force produisant à elles seules du sens. Le nouveau modèle de développement fournit un cadre qui peut contribuer à cette nouvelle articulation. L’écologie doit en devenir un des principaux points d’entrée, mais, contrairement à ce que la droite prétend définir, la pensée écologique ne peut être déconnectée de la lutte contre les inégalités sociales, et cela est fondamental. Comme le montre l’exemple, pour le moins raté, de la version de la taxe carbone du gouvernement, on se condamne dans cette logique à des mesures très partielles, non acceptées car socialement injustes, et donc au bout du compte inefficaces écologiquement.

Il y a plusieurs conceptions idéologiques de l’écologie, ce qui explique qu’elle ne suffise pas en soi à définir une organisation de la société. Changer de socialisme, c’est donc se saisir pleinement du bouleversement qu’introduit le défi écologique pour définir, sur la base de ses valeurs, des contours lisibles d’un modèle de développement en rupture avec l’actuel. Cette démarche aura l’avantage supplémentaire, non négligeable, de faciliter le rassemblement indispensable de la gauche. Et Dieu sait comme « la maison commune » de gauche est clairsemée à l’aune des élections régionales. Sur ce point, l’union de la gauche me paraît absolument indispensable car chaque pan de celle-ci est complémentaire à l’autre; et si l’on veut concevoir une vision globale de notre société, nous avons besoin de l’inventivité de chacun dans son domaine. De plus, l’actualité récente montre à quel point, au-delà des mots et des brouillages, un clivage redéfini avec la droite garde une pertinence, même si tout le monde se prétend écologiste.

Un modèle de développement social et écologique exige de penser de manière beaucoup plus résolue les limites de la sphère marchande et ceci est important. Travailler plus pour gagner plus au prix de la dégradation du contenu du travail (harcèlement, stress, multiplication des suicides), étendre le travail au dimanche, injecter massivement de l’argent public pour « sauver » les banques sans aucun changement du système, ce qui va créer les conditions d’une nouvelle bulle ; ces orientations vont toutes dans le même sens, le maintien et l’extension de l’espace du marché à tous les domaines de la vie, y compris en utilisant pour cela l’argent des contribuables. Les vies ne sont pas marchandables – ai-je envie de dire – et l’humain doit redevenir le centre des préoccupations. Pour inverser la course à l’exploitation des ressources naturelles, et donc au « toujours plus » dont les plus riches impriment la marque à toute la société, il faut au contraire travailler mieux, laisser du temps et de l’espace préservé, garantir la prise en compte du long terme. Si l’on doit redéfinir la croissance et son calcul, le point de capiton doit en être la durabilité et non le court-termisme qui va de pair avec l’accumulation productiviste.

Le sommet de Copenhague s’inscrit dans la logique de la prise de conscience collective de nos problèmes. En effet, la protection de la planète concerne des biens publics mondiaux – l’eau, l’air, le climat – oblige à redéfinir l’articulation entre intérêt individuel et collectif. Des mesures ont par exemple été prises pour aider les propriétaires à isoler les logements, mais les locataires n’ont toujours pas la possibilité de déclencher eux-mêmes les travaux ! Du coup, les « passoires thermiques », où logent les plus modestes, le resteront, alors que l’espoir écologique ne doit en aucun cas être une nouvelle machine à exclure et à punir. En matière de logement comme dans d’autres domaines, une reformulation du droit de propriété est nécessaire pour le rendre compatible avec les exigences sociales et écologiques de ce siècle.

Il est enfin urgent d’admettre que ce sont les plus riches et puissants qui ont une dette écologique à l’égard du reste de la population. Aujourd’hui, ce sont les classes populaires et moyennes qui paient la transition écologique à coup de taxe, et non les catégories les plus favorisées ou les entreprises. Ces dernières bénéficient les unes du bouclier fiscal inadmissible, les autres de la suppression de la taxe professionnelle, qui asphyxie nos collectivités territoriales. Les firmes qui sont soumises au marché des droits à polluer, mais pas à la taxe carbone, vont payer, cela a été démontré, près de dix fois moins que les ménages par tonne de gaz carbonique ! Il faut faire l’inverse, ce doit être au cœur de la réforme fiscale proposée par les socialistes. La fiscalité socialement juste va de pair avec une fiscalité résolument écologiste. Il est inadmissible que la société Total, pour ne citer qu’elle, ne paie de taxe carbone quand elle importe du pétrole des raffineries irakiennes ou iraniennes pour le revendre sur le territoire national. Le coût écologique du transport des biens à travers le monde doit aussi être taxé !

Nous sommes donc face à deux défis : idéologique, car la confrontation entre la droite et la gauche sur ces nouveaux enjeux est centrale ; et de mise en œuvre, qui suppose la construction d’un nouveau rapport de force inversant les modes de domination traditionnel. C’est pourquoi nous appelons de nos vœux à la création d’une nouvelle vision socialiste. Je ne connais pas encore les contours précis de ce nouveau modèle mais j’en ai une vague idée. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il nous demande effort et inventivité intenses. Nous devons sortir des oppositions traditionnelles entre capitalisme et anticapitalisme. Cette vision devrait reposer sur une pensée en profondeur de l’évolution du capitalisme articulant le social et l’écologie, et une économie « ré-humanisée » fondée sur des échelles de temps longues.

Notre action doit aussi se concevoir au niveau mondial et le sommet de Copenhague constitue une incroyable opportunité pour voir émerger une gouvernance mondiale qui puisse agir dans le sens que nous voulons.

Nabil Janah

La social-démocratie : un concept épuisé ?

Il y a six mois, la social-démocratie connaissait une défaite majeure aux Européennes. 16,4 % pour le PS en France (contre 28% pour l’UMP), 21% pour le SPD en Allemagne (contre 42% pour la CDU), 15,3% pour le Labour au Royaume-Uni (contre 28% pour les Conservateurs)… Certes, les victoires des socialistes en Grèce, Slovaquie et Belgique (francophone) sauvaient l’honneur mais ne pouvaient dissimuler le constat d’un net recul de la social-démocratie en Europe en dépit d’un contexte marqué par la crise du capitalisme.

C’est dans ce contexte que s’ouvre, ce lundi et jusqu’à demain à Prague (République tchèque), le VIII° Congrès du Parti socialiste européen. Un congrès qui doit donner un nouveau sens à l’Europe mais aussi à une formation qui se trouve en pleines contradictions entre ses objectifs et ses visions du socialisme et de la social-démocratie comme on a pu le voir ces dernières années sur la scène européenne.

Durant la décennie 90, deux visions du socialisme se sont opposées et souvent caricaturées : le socialisme à la Blair qui se voulait réaliste et celle à la Jospin qui se voulait idéaliste tout en étant pragmatique. Deux visions qu’on a souvent caricaturé et qui ont été remises en causes par l’électorat de gauche au cours de la décennie 2000. La faute sans doute à un rapport plus ou moins ambigu au marché et aux thèses libérales, ce qui explique sans doute la perte d’orientation de la pensée social-démocratie, perte aggravée par la crise du libéralisme. Et Xavier Delcourt, professeur à l’Université Robert Schuman et au CUEJ (Centre universitaire d’enseignement du Journalisme) de Strasbourg d’ajouter en avril dernier : « les socialistes, au moment où il y a une demande de retour de la régulation, de la puissance publique, etc. se trouvent démunis car ce qu’ils appellent de leurs vœux, c’est ce que, dans leur pratique, ils ont combattus »

Les voies du socialisme n’ont pas encore cédé aux sirènes du tout marché, du libéralisme total et non contrôlé, non pas encore. Certes, la gauche de Tony Blair se dit « réaliste » et une certaine social-démocratie européenne a vu le jour. Mais on peut faire et dire tout et n’importe quoi à la social-démocratie : le manifeste de la Troisième Voie adopté en 2004 par le SPD allemand, les démocrates de gauche italien (l’ancêtre du Parti démocrate) et le New Labour britannique était une erreur ! En effet, ce manifeste prônait un accompagnement du tout libéralisme et laisser libre court aux lois du marché. Il n’y a pas de pensée unique, le capitalisme tel que nous le connaissons n’est pas l’horizon indépassable. Lionel Jospin avait très justement affirmé vouloir « continuer le socialisme dans un seul pays« . Social-libéralisme et social-démocratie n’ont pas la même signification et nous devons le rappeler. Le New Labour a réalisé, le 7 juin dernier, son pire score électoral depuis 1918 !!! En Italie, la propension du parti démocrate à se déplacer vers le centre de l’échiquier politique a réduit tout espoir à gauche d’une reprise du pouvoir ! Indéniablement, cette voie « du milieu » n’est pas la solution. Nous devons rappeler que nous sommes sociaux-démocrates et que la social-démocratie se distingue des libéraux. La gauche et la droite, ce n’est pas pareil !

A l’inverse, il ne faut pas, loin s’en faut, tomber dans l’excès inverse. Nous revendiquons un socialisme à la hauteur des enjeux actuels du XXI° siècle, rénové de toutes les pesanteurs de l’Histoire qui ont entaché l’expérience communiste notamment. Nous souhaitons par exemple une société égalitaire et non égalitariste : le mérite doit redevenir un principe républicain qui n’appartient pas seulement à la droite. Le mérite est un corollaire de l’idée de justice sociale. Nous avons une conception précise de l’individu, les inégalités liées à la naissance ou à des circonstances de la vie doivent être impérativement gommées par l’action publique. La réussite doit permettre à chacun de parvenir à ses fins. L’éducation est un secteur fondamental qui doit servir à nos actions et la réforme de l’Ecole (actuel lieu de reproduction sociale) doit se faire de TOUTE urgence.
Toutefois, le rapport de l’individu à la société est particulier : la solidarité intergénérationnelle occupe une place fondamentale dans le développement du lien social. La solidarité doit être active et le système d’imposition permet cette expression solidaire. Il est inacceptable de laisser des individus exclus socialement, chacun a le droit à la dignité car nous formons une seule et même humanité. La social-démocratie porte en elle un projet humaniste dans lequel le statut de l’être humain est quelque chose d’important !!!

Une expérience sociale-démocrate que nous louons tout particulièrement : la Suède. Jadis, François Mitterrand disait que les Suédois bénéficiaient d’un système de redistribution sociale irréprochable. La redistribution sociale est le fondement de la politique socialiste, le mode d’action privilégié est le transfert de revenus. Nous pouvons donc proposer une révision complète du système fiscal en Europe dans le but de l’établissement d’une meilleure équité sociale.
Ainsi par conséquent, j’aimerais rebondir sur la question du libéralisme économique. Le libéralisme économique tel qu’il fonctionne actuellement est nuisible à l’ensemble de la société. Il s’agit d’un mode de production des richesses fondé sur la rentabilité et le mercantilisme à l’insu des visées sociales que les socialistes ont en tête. Cette production des richesses produit aussi des inégalités, c’est donc un effet collatéral néfaste ! Une chose doit être dite : l’économie de marché permet effectivement de produire des richesses et de manière suffisante pour parvenir à répondre aux besoins de tous. Néanmoins, la redistribution de ces richesses n’est pas assurée de manière équitable et juste. Le capital, s’il n’est pas réinvesti dans l’objectif d’obtenir des progrès sociaux, ne présente aucune utilité. Ainsi, l’argent pour l’argent n’est pas une valeur que les socialistes comprennent. La richesse doit profiter à l’ensemble de la société et non à une marge de la population. Sur ce point et dans un contexte de crise du capitalisme et de la finance, les solutions sociales démocrates sont plus que jamais d’actualité. Elles s’avèrent être les seuls remèdes face à la crise du capitalisme.

Nous plaidons plus que jamais pour un socialisme du XXIème siècle. En ce sens, modernisation ne doit pas se confondre avec droitisation et c’est là où se concentre l’essentiel du débat! Il y a des valeurs indélébiles qui continueront encore et encore à motiver notre combat politique pour une société plus juste, plus digne et plus humaine. Portons haut et fort ces valeurs de progrès, car le progrès est le moteur de toutes nos actions, nous sommes avant tout progressistes!!! Que l’alerte soit sérieuse, c’est à n’en pas douter. Les sociaux-libéraux en Grande Bretagne, les sociaux-démocrates à l’ancienne en Finlande, les démocrates ou modernistes en Italie ou enfin les socialistes en France, synthèse accommodante de toutes ces pratiques, en ont tous pris pour leur grade!!! Il ne s’agit pas d’être plus à gauche, ou moins à gauche, être de gauche suffit déjà à nous caractériser. Soyons à la fois d’une part, RADICAUX dans la dénonciation des périls du capitalisme actuel et d’autre part, EFFICACES dans la façon de proposer un projet politique humaniste et alternatif. Osons et n’ayons pas honte de porter fièrement nos valeurs!!! C’est en devenant eux-mêmes que les socialistes se renouvelleront et non en cherchant vainement à marcher dans les brisées de leurs concurrents. Ce n’est pas en mettant des rustines à la bulle spéculative du capitalisme que l’on règlera la question des crises financières. Il faut être ambitieux et exiger un nouveau modèle de développement plus écologique, plus social, plus respectueux. Quelle forme prendra-t-il ? Antilibéralisme, social-libéralisme ou tout libéralisme ? Nous croyons que raisonner en ces termes consisterait à faire abstraction de la complexité de nos sociétés contemporaines. Nous croyons qu’il faut penser plus que jamais à l’ère post-libérale. La social-démocratie a son rôle à jouer, elle doit être force de proposition, elle est à nos yeux la seule alternative possible !!!

Ainsi, à ceux qui annoncent déjà la mort de la social-démocratie et par là même des socialistes, nous leur répondons que les voies de la social-démocratie n’ont pas encore été exploitées à fond et qu’il suffit seulement de mieux porter nos valeurs pour que notre projet politique naisse !!!

Nabil JANAH

Gilles JOHNSON

Un 11 novembre franco-allemand ?

20071206MerkelsarkozyC’était la grande annonce de ces dernières semaines en ce qui concerne les relations franco-allemandes : le président de la République a, en effet, proposé à ce que le 11 novembre ne soit plus consacré à la commémoration de l’Armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale mais un jour consacré à l’amitié franco-allemande. En grand sage qu’il est, Nicolas Sarkozy a souhaité que le 11 novembre reste un jour férié !

L’idée de notre monarque-président n’est pas absurde en soi et s’avère même intéressante : en effet, il est important de réaffirmer l’amitié franco-allemande, moteur de la construction européenne et se tourner vers l’avenir en affichant une forte proximité entre nos deux pays.

Cependant, si l’idée en soi n’est pas stupide, c’est plutôt la manière dont elle est mise en avant : comme toujours – mais bon, on finit par avoir l’habitude ! – Nicolas Sarkozy ne prend pas soin de consulter ou de demander l’avis des Français sur une telle initiative. Dommage, car il verrait que dans le même temps, nombreux sont ceux qui sont bien peu emballés par une telle volonté de réécrire l’Histoire !

Car Nicolas Sarkozy n’a rien compris et si le 11 novembre ne doit pas être seulement réduit à la commémoration de ceux morts pour la Patrie et au souvenir, il ne saurait être en revanche, une journée exclusivement consacrée à l’amitié franco-allemande, comme si cette amitié-là importait plus que l’amitié franco-britannique, l’amitié franco-russe ou l’amitié franco-belge sans oublier bien sûr l’amitié franco-togolaise !

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Le 11 novembre doit garder son caractère commémoratif initial car symbole du déclin de l’Europe du XIX° siècle, confirmé par la Seconde Guerre mondiale vingt ans plus tard. Le plus judicieux aurait sans douté été que l’on fasse du 22 janvier, date du Traité de coopération entre la France et l’Allemagne, la journée consacrée à l’amitié franco-allemande. Mais bon, notre monarque-président a voulu impressionner sa chère Angela, ce qu’il explique qu’il se soit si empressé de transformer la signification du 11 novembre – sans laisser aux historiens le temps de se pencher sur la question ! – et ce qu’il explique sans doute pourquoi il a déclaré qu’il était à Berlin au soir du 9 novembre 1989 alors que cela n’était pas le cas !

En réalité, Nicolas Sarkozy voulait être historien ! Non président de la République !

Gilles JOHNSON

Le caprice du mille-feuille administratif

reforme_territoriale_l_adf_l_amf_et_l_arf_ecrivent_a_edouard_balladur_mediumLe 20 octobre dernier, en déplacement à Saint-Dizier, Nicolas Sarkozy a annoncé  « son » projet de réforme des collectivités territoriales, présenté le lendemain en avant-première en Conseil des ministres.

Le Sénat commencera l’examen du premier des trois projets de loi dès la mi-décembre, l’adoption étant prévue avant l’été. Le Président de la République l’a dit : il s’agit d’aller vite et de faire bien. Car au fond, les objectifs de cette réforme sont simples : « simplifier le « millefeuille » » des collectivités, clarifier les compétences respectives, réaliser des économies ». Quoi de plus louable ?

La rupture si chère à Nicolas Sarkozy, est pour le coup significative concernant ce projet,vis à vis du profond mouvement de décentralisation débuté en 1982. Le chef de l’Etat a encore usé de démagogie : en montrant une volonté réformatrice, il instille en réalité un retour en arrière sans précédent dans l’histoire de la République. On l’aura compris, il s’agit d’une opération de recentralisation et donc de reprise en main des collectivités territoriales par l’Etat alors que la tendance en Europe est à l’autonomie des collectivités locales. Ces dernières étant majoritairement dirigées par la gauche, « cette réforme est donc bien la preuve que le chef de l’Etat ne supporte pas l’existence de contre-pouvoirs locaux » selon François Rebsamen. Il n’y a pas que dans l’opposition que les voix s’élèvent. Même dans les rangs de la majorité, on crie au scandale : à Alain Juppé de souligner l’entière inconvenue du projet sur un ton plus que familier et à Edouard Balladur de pointer « une erreur de tempo » dans la suppression de la taxe professionnelle.

Arrêtons nous un instant sur les quatre principaux points de la réforme :

Dès 2014, des conseillers territoriaux siégeront à la fois dans les assemblées départementales et régionales. On ne touche donc ni aux départements, ni aux régions : « la solution n’est pas la suppression de l’un ou de l’autre mais le rapprochement des deux. Ce n’est pas une solution simpliste » dixit Sarkozy, alors même que l’objectif assigné était de tout simplifier. Ainsi 80% des futurs conseillers territoriaux seront élus à partir de 2014 dans le cadre du canton, au scrutin majoritaire uninominal à un tour et les 20% restants le seront au scrutin de liste à la proportionnelle. Il s’agit surtout de réduire de moitié le nombre des élus locaux siégeant au département et à la région, en passant de 6 000 à 3 000 conseillers territoriaux, pour faire des économies. Rappelons toutefois que cet argument est totalement fallacieux pour la simple et unique raison que les indemnités des 6 000 élus concernés représentent moins de 1 pour 1 000 des budgets concernés. Autant dire que la réduction par moitié du nombre des élus régionaux et départementaux ne permettra pas de réaliser de réelles économies.

La clause générale de compétence sera supprimée pour les départements et les régions. Cette clause permettait aux départements et aux régions d’intervenir dans tous les domaines. Le but étant de définir précisément les attributions de ces deux échelons. Ainsi, les deux collectivités auront des compétences d’attribution, ce qui les rapprocherait plus d’un établissement public que d’une collectivité territoriale, remettant ainsi en cause les précédents acquis du mouvement de décentralisation. Dans ce cadre, parlons sans crainte de « supercherie » dans la mesure où 90% des compétences des départements et des régions sont distinctes. Le futur conseiller territorial aura donc forcément une double compétence au niveau des affaires régionales et départementales. Ce cumul fonctionnel amènera nécessairement à une augmentation de la rémunération de ces conseillers par rapport aux conseillers généraux ou régionaux « traditionnels ». Où se situent la simplification et la mesure d’économie à ce niveau ?

Un statut particulier sera réservé aux métropoles de plus de 450 000 habitants. Désormais sur la base du volontariat, les villes de cette taille pourront se constituer en métropole et acquérir le statut juridique d’un EPCI (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg et peut-être Grenoble sont concernées). Après signature préalable d’une convention avec les départements et les régions, les métropoles pourraient s’occuper des lycées, de l’action sociale ou du développement économique. En fait, ce statut de métropole ajoute un échelon territorial supplémentaire de collectivité, qui vient affaiblir directement  régions et départements. On peut dès lors imaginer une agglomération comme Lyon s’occuper du développement économique de la grande banlieue lyonnaise, s’étirant ainsi sur plusieurs départements et empiétant les compétences de ces derniers. Cela est positif dans la mesure où ces métropoles favoriseraient le développement de pôles économiques influents ; néanmoins aucune clarification n’est apportée quant aux compétences des différentes collectivités concernées et il s’agit surtout d’une complexification de plus.

Enfin, l’achèvement de la carte de l’intercommunalité : la loi Chevènement de 1999 incitait les communes, à base d’avantages fiscaux, à se regrouper au sein des fameux EPCI. Désormais, la réforme imposera à « toutes les communes » de « se rattacher à un établissement de coopération à fiscalité propre » et offrira « des mesures de simplification et d’encouragement ». Par là même, les syndicats de communes sont supprimés et l’objectif est de réduire le nombre de structures intercommunales à  « 3 ou 4 » par commune. L’ensemble des socialistes est plutôt favorable à une telle mesure dans le sens où la France détient le record européen du nombre de communes (plus de 36 000). En outre, le mode de désignation des futurs conseillers territoriaux paraît totalement illégitime et antidémocratique. En effet, ce mode de scrutin est à la fois majoritaire et proportionnel mais 80% de ces conseillers seront élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et ce, dans le cadre de cantons. Il va sans dire que le découpage actuel des cantons est plus favorable aux zones rurales qu’aux zones urbaines. Ainsi, « une liste ayant recueilli moins de voix qu’une autre au niveau régional peut en recueillir plus qu’elle au niveau national » comme l’a récemment précisé Laurent Fabius sur RTL. Effectivement, le scrutin uninominal majoritaire à un tour est profondément injuste dans la mesure où la liste ayant recueilli une majorité relative (30% des suffrages exprimés) récolte la totalité des sièges du canton. Dominique Rousseau, professeur de droit, critique, dans le Télégramme de Brest, cette réforme qui «bafoue deux principes institutionnels ». D’une part, « l’égalité des représentants, car les conseillers territoriaux ne seront pas élus selon le même mode de scrutin »; et d’autre part « le pluralisme des opinions prévu dans l’article 4 de la Constitution en excluant beaucoup de formations politiques ». Et Guy Carcassonne, constitutionnaliste, d’enfoncer le clou en affirmant que ce dispositif favorisera « exclusivement l’UMP car la droite sait s’unir dès le premier tour, alors que la gauche part toujours en ordre dispersé avant de s’unir ». Cela va à l’encontre de la représentation des différentes sensibilités politiques exprimées par les citoyens. Aussi cette disposition est une véritable manipulation électorale favorisant un camp, celui de la droite, au détriment de l’autre, la gauche. Cette mesure manque profondément d’impartialité et la première secrétaire du Parti Socialiste Martine Aubry a même parlé de « tripatouillage électoral ». Si le Conseil d’Etat dans une décision du 22 octobre 2009 a désavoué les dispositions permettant d’élire les futurs conseillers territoriaux, la majorité semble vouloir outrepasser la décision de la plus haute autorité juridictionnelle de l’ordre administratif ; une façon de faire plus que douteuse.

Aussi si ce projet de réforme divise majorité, opposition, opinion et médias ; peu étonnant qu’au fil du débat une partie des propositions se soit peu à peu vidée de substance. À première vue l’inanité de ce projet apparaît dans le flot de contradictions qu’il soulève et laisse penser qu’il ne peut déboucher que sur une voie sans issue.

Mais à y regarder de plus près, ce sont autant de contradictions qui cachent des réalités on ne peut plus sombres.

La première contradiction réside dans le fait qu’alors même qu’elle visait à clarifier ce que d’aucuns appelaient le « millefeuille français », cette réforme apparaît aujourd’hui d’une extrême complexité et contribue à brouiller un peu plus la visibilité des différents échelons territoriaux. Ainsi les métropoles deviendraient des sortes de supra communautés urbaines, tandis que se profile le découpage à la carte des cantons, que les établissements publics de coopération intercommunale pourraient à terme devenir des communes, et les communes des villes ; de plus les conseillers territoriaux représenteraient désormais à la fois le département et la région. Sur ce dernier point d’ailleurs, les interrogations et les doutes au sujet du mode de scrutin s’éveillent, laissant place parfois à la crainte d’un manque à gagner démocratique.

L’autre point important de la réforme, étonnement plus consensuel, porte sur le volet de la coopération intercommunale. Ainsi le comité a proposé l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, certes nécessaire, mais qui ne peut se concrétiser sans une uniformisation et une simplification des statuts disparates des différents établissements. L’autre idée-phare dans ce domaine est l’élection des délégués intercommunaux au suffrage universel direct, vraisemblablement en même temps que les élections municipales. Il est curieux que cette proposition, certes avancée il y a déjà quelques années par le conseil économique et social, ne suscite pas plus d’interrogations. En effet, d’une part l’élection au suffrage universel direct pose le problème de l’enjeu que représenteraient de telles élections pour les citoyens, pour qui l’intercommunalité est encore peu connue voire obscure, d’autre part, elle affaiblirait considérablement l’atout minoré de l’action intercommunale, qui peut se positionner au delà des clivages partisans, si ce n’est prendre des décisions nécessaires mais peu populaires sans qu’en soit affectée la légitimité des communes. Enfin, et c’est le principal point sur lequel il convient de lever le voile, un tel changement priverait les communes et surtout les maires d’une arme de poids, leur légitimité démocratique, désormais partagée, alors même que l’ère de la négociation et du compromis a entamé son déclin. Ainsi dans ce rapport, l’avenir des communes, et notamment des petites et moyennes communes, paraît incertain et leur disparition à terme constituerait certes une forme d’alignement sur l’échelon communal du modèle européen mais marquerait ainsi une rupture avec une tradition française héritée de la fondation républicaine.

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Cela mène à une nouvelle contradiction. En effet si cette réforme ne souhaite pas modifier la constitution, et pour cette raison, se défend de toucher au statut du département, plusieurs points pourraient à terme mener à une révision constitutionnelle. En premier lieu, si le renforcement de l’intercommunalité remettait en cause la clause générale de compétence des communes, et si à défaut de réformer le système fiscal local qui en a grand besoin, la libre administration de ces dernières pourrait de facto elle aussi être remise en cause. En effet pour agir encore faut-il avoir les moyens de son action. Aussi, derrière cette réforme se cache probablement la volonté de réduire le nombre de communes, et que l’on juge une telle volonté légitime ou non, il serait bon de mieux en informer le citoyen qui distingue mal les enjeux peu pléthoriques imbriqués dans ce projet : enjeux politiques et administratifs, enjeux stratégiques et territoriaux de reprise en main de l’action publique locale par la droite, enjeux économiques et financiers enfin avec la suppression de la taxe professionnelle. Et c’est ici qu’apparaît l’ultime contradiction, puisque tout en souhaitant renforcer l’intercommunalité, cette réforme supprime la principale taxe dont elle est dépendante, sans clairement avoir défini les moyens de la remplacer.  Si la nature de la nouvelle taxe fait plutôt consensus, le premier projet de répartition, largement au profit du département et de la région, en asseyant le fonctionnement budgétaire de la communauté et l’intercommunalité essentiellement sur la contribution des ménages, a été largement désavoué.

Mais au fond ce qui vient d’être dépeint comme tant de contradictions, apparaît vite un projet très cohérent et intelligemment mené si l’on prend en compte tout la part d’inavoué d’une telle réforme, passant de la suppression de différents échelons territoriaux (départements et communes), à la répartition de la pénurie et au retour du centralisme étatique.

Margaux Prival

Nabil Janah

Rama Yade, réfugiée politique ?

08E797E70877165D7AD3E868EFA78Les socialistes ont parfois le sens de l’humour ! Si, si ! La preuve, Michèle Sabban, vice-présidente de la région Ile de France, a récemment proposé « le droit d’asile » à Rama Yade et de prendre la tête de liste PS dans les Hauts-de-Seine.

Une proposition pour le moins curieuse et qui a rapidement fait l’objet de commentaires tant que la situation de l’actuelle secrétaire d’Etat aux Sports semble de moins en moins tenable au sein du gouvernement Fillon.

Ministre depuis juin 2007, Rama Yade est une jolie jeune femme de 32 ans qui ne garde pas sa langue dans sa poche, pour mieux la tourner sept fois dans sa bouche après. La visite du colonel Kadhafi en novembre 2007, son refus de quitter le gouvernement pour conduire la liste UMP aux régionales, ou plus récemment les blagues douteuses de Brice Hortefeux sans oublier la polémique créée par le « prince » Jean Sarkozy… l’ancienne administratrice au Sénat est devenue la petite musique qui est en porte-à-faux au sein d’un gouvernement où ses membres se veulent quasiment tous le premier des sarkozystes, phénomène de cour oblige !

Cette « indépendance », d’abord sous contrôle durant un certain temps, finit par agacer franchement au sein de l’Elysée et de l’UMP, certains n’attendant plus que le moment béni où Rama Yade devra plier bagages. D’ailleurs, cela fait un bail que la secrétaire d’Etat n’est plus considérée du côté du Château.

Or, on ne peut s’attaquer à une femme qui demeure populaire dans l’opinion si on en croit les différents sondages. Symbole de la diversité, telle que voulue par notre monarque-président, ce dernier sait qu’il peut difficilement défaire ce qu’il a fait. Rama Yade était parfaite pour jouer les potiches et les jolies plantes vertes, jusqu’au moment où la potiche a eu conscience qu’elle avait un cerveau et commence à dire tout haut ce que nombre de gens pensent tout bas en Sarkozie.

Ce qui explique sans doute que Rama Yade soit si maltraitée au sein de sa famille politique  – au passage, vive la conception très personnelle de Nadine Morano à propos de la solidarité gouvernementale ! – et que, dans un élan de solidarité, Michèle Sabban ait proposé l’asile politique dans les Hauts-de-Seine, département dont Yade est élue municipale. Alors, cela aura démontré non pas que la secrétaire d’Etat soit de gauche mais que les socialistes franciliens ont le sens de l’ironie et de l’humour !

Le cas Yade est révélateur de la considération réelle qu’à le chef de l’Etat pour ses ministres : au mieux du mépris, au pire de mépris. Pour être ministre sous Sarkozy – qui plus est, lorsqu’on est ministre d’ouverture – vaut mieux être plus sarkozystes que les sarkozystes. Un des collègues de Rama Yade, un certain Eric B. l’a bien compris et depuis, le voilà inscrit sur la liste des prétendants à la succession de François Fillon !

Aussi, si Rama Yade est toujours persécutée par les membres de sa propre majorité, nous serons ravis de l’accueillir et de lui accorder le droit d’asile politique !