La France de l’Après-guerre s’est reconstruite autour d’un Etat fournissant de nombreux services publics à ses citoyens. Cette croissance de l’offre – bâtie sur le programme du Conseil national de la Résistance – a pu se réaliser dans un contexte économique favorable. Le « modèle français » se fissure depuis près de trente ans du fait des difficultés économiques et financières du pays. L’Etat concentrait jusqu’en 1982 les seules prérogatives d’organisation des services publics. Avec la décentralisation sont apparues de nouvelles autorités compétentes en matière de création et d’organisation de services dédiés à la collectivité publique : les régions, les départements et les communes peuvent gérer leurs propres services publics.
Les régions sont ainsi les propriétaires des TER, c’est-à-dire des trains, ce sont elles qui décident des horaires, cadences, etc. en partenariat avec la SNCF qui fournit le personnel navigant et entretien, et gère les voies. Les départements eux peuvent constituer des régies pour assurer un service de transport routier en commun départemental. Les communes peuvent elles créer une structure pour se doter de transports en commun urbains comme un tramway ou des bus. Voila quelques exemples en matière de transport. Les différentes collectivités territoriales ont d’autres champs d’action comme la culture par exemple.
Parler des collectivités territoriales est important actuellement car l’Etat se désengage de plus en plus de ses missions de service public nationales pour les transférer à ces collectivités. Le principe d’un transfert de compétences n’est pas à blâmer en soi si le but de cette opération est une meilleure gestion du service au profit du citoyen. Ces nouveaux acteurs font partie du nouveau visage des services publics français.
Toutefois l’Etat se doit de garder des moyens d’intervention sur certains domaines clés de la société. En premier chef se trouve l’Education et la recherche. Ce service public qui est lié à l’histoire même de la République, doit être sanctuarisé et protégé des logiques mercantilistes et capitalistes. Le savoir ne se marchande pas ! On remarque les tentations d’aller jusqu’au bout du processus de privatisation des universités en Grande-Bretagne où une véritable opposition estudiantine s’est constituée. Nous ne devons pas en arriver jusque là en France. Pour autant, l’université peut constituer des partenariats avec l’entreprise sur certains programmes de formation pour obtenir des financements supplémentaires et une meilleure professionnalisation des étudiants sur le marché du travail. Nous pensons que l’autonomisation des établissements, du primaires jusqu’au supérieur, est une voie d’avenir comme le mentionne la récente convention nationale sur l’égalité réelle du PS. Mais en aucun cas l’entreprise ne doit remplacer l’Etat dans son engagement financier et les socialistes sont et resteront très attachés à ce principe de l’indépendance et de l’esprit critique de l’école !!
Les transports. Le réseau ferroviaire national est en état « alarmant » dans bien des cas et nécessiterait la mise à disposition de moyens conséquents. Réseau Ferré de France (RFF), le propriétaire des voies, est déficitaire et augmente ses péages (droit que les entreprises ferroviaires doivent payer pour faire rouler un train sur un axe et un horaire précis) aux entreprises ferroviaires empruntant son réseau. La SNCF répercute le coût en augmentant ses tarifs. La France doit être couverte équitablement par un réseau ferroviaire de qualité et cela représente un investissement. En 1982, F. Mitterrand lance le programme TGV, doit-on le regretter actuellement ? Assurément non !
L’énergie. EDF est encore détenue en majorité par l’Etat. Son interventionnisme en matière d’énergie fait qu’aujourd’hui notre électricité est l’une des moins chères d’Europe. GDF a été privatisé sous la présidence de M. Sarkozy, résultat : l’Etat est minoritaire dans le capital de GDF et ne peut s’opposer à l’augmentation frénétique du prix du gaz. Si ces deux entreprises ont dû muter face aux exigences de la Commission européenne, il n’en reste pas moins que ce secteur énergétique est stratégique. Les petits foyers qui se chauffent au gaz pourront-ils supporter encore longtemps ces augmentations ? Aujourd’hui nous voyons des groupes comme Total qui profite de la rente nucléaire d’EDF. Le nucléaire et l’énergie plus largement, dans un souci de sécurité maximale et de justice sociale doivent rester aux mains d’un Etat régulateur et stratège car l’énergie recouvre des enjeux beaucoup trop importants pour être laissée aux mains des actionnaires du CAC 40.
La santé. Le dernier gouvernement Fillon est l’un des seuls gouvernements de la Ve République à avoir supprimé le Ministère de la Santé ! Un secrétariat d’Etat semble suffire. Cela montre le peu d’attention qu’occupent les questions de santé pour ce gouvernement. Pourtant elles sont essentielles dans une France vieillissante : l’accès aux soins quel que soit son âge, son lieu de résidence. Il est temps de revenir sur la politique de santé psychiatrique menée par la droite conservatrice, de réfléchir au mieux à l’articulation entre médecine décidée au niveau national, régional, local ; de lutter contre les déserts médicaux ; redonner un sens au médecin de famille ; favoriser la prévention et développer d’autres formes de médecine… les questions de santé ne manquent pas et méritent toute l’attention des pouvoirs publics.
Les télécommunications. Naguère les PTT ont couvert le territoire d’un réseau téléphonique terrestre. Aujourd’hui les PTT n’existent plus et deux sociétés de droit privé en sont les héritières : France Télécom et La Poste. Les groupes téléphoniques privés reçoivent des financements publics pour couvrir le territoire de nouvelles installations. Le contribuable contribue, à travers ses impôts, à financer des groupes privés. Pourquoi ne pas imaginer qu’une entreprise publique couvre la France d’équipements de télécommunications comme la fibre optique partout où cela est nécessaire ?
Il est vrai que les services publics doivent s’adapter aux nouvelles demandes de la société, le service public des années 60 ne peut plus exister. Il revient aux socialistes de trouver un nouveau modèle de services publics efficaces et rationnels répondant au mieux aux attentes de la population, pour que le vivre-ensemble à la française continue de faire sens au sein d’une Europe en crise et en recomposition.
Lou Bachelier-Degras